mardi 31 mai 2016

Français de l’étranger, dernière variable d’ajustement des flux migratoires

Publié le 27 mai 2016 sur le site Boulevard Voltaire

Pour qui porte un regard dessillé sur la France contemporaine, la présence massive, ostentatoire par le nombre et la visibilité, de mœurs et de coutumes qui lui étaient auparavant étrangères modifie dorénavant si brutalement et profondément sa physionomie que nombre de ses natifs sont désormais fondés à penser, comme Edgar Quinet, que « le véritable exil n’est pas d’être arraché de son pays ; c’est d’y vivre et de n’y plus rien trouver de ce qui le faisait aimer ».


Conséquemment, selon le bon sens commun qui veut que tant qu’à être en exil, autant en choisir le lieu, nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à prendre la voie de l’expatriation. En progression constante ces dernières années, l’estimation du nombre de Français établis à l’étranger oscille entre trois et trois millions et demi d’individus, sans recensement véritable, tous n’étant pas forcément enclins à courir s’inscrire dans les représentations officielles d’un pays dont ils fuient précisément ce qu’ils perçoivent comme le fruit de son incurie gouvernementale.

Pourtant, ces mêmes autorités, qui préfèrent d’ordinaire masquer le ressort principal de cette émigration pour fustiger plus aisément « l’exil fiscal », oubliant au passage la voracité redistributive qui le motive, disent maintenant être très préoccupées de l’exode des jeunes actifs diplômés, lui aussi en forte croissante. 

Or, comme le relevait récemment le député européen ENL (Europe des nations et des libertés) Dominique Martin qui a débusqué le lièvre, la dernière étude du Centre d’Analyses Économiques vient sérieusement tempérer cette posture de bon aloi. Après avoir pris bonne note comptable de cette « émigration des talents », cet organisme dont la mission déclarée est « d’éclairer les choix du gouvernement en matière économique » préconise en effet paradoxalement de « réduire les freins à la mobilité internationale ». La contradiction n’est qu’apparente puisque l’on entend ainsi favoriser « l’accueil des étrangers à haut potentiel ». En clair, il s’agit de compenser le départ de nos forces vives par l’arrivée de cadres en provenance des pays en voie de développement pour parvenir à des « flux bruts d’entrées et de sorties » positifs.

Concomitamment, dans le dernier remaniement ministériel qui a vu M. Matthias Fekl succéder à l’éphémère Thomas Thévenoud aux Français de l’étranger, d’aucuns avaient pu s’étonner qu’autrefois associés à la francophonie au sein du gouvernement, ceux-ci fussent désormais rattachés à un secrétariat d’État au Commerce extérieur, chargé dans ses fonctions additionnelles de les « promouvoir » au même titre que le tourisme. Dans la foulée, une recherche rapide nous apprend que le seul mérite connu dudit M. Fekl est d’avoir rédigé en 2013 un rapport – encore un – intitulé « Sécuriser le parcours des ressortissants étrangers en France », qui visait notamment à simplifier et généraliser l’attribution de titres de séjour aux immigrés présents sur le sol national. 

Au vu de ce qui apparaît dès lors comme des choix délibérés de préférence étrangère, nos compatriotes établis hors de France, qui n’ont droit, eux, à aucune aide au motif qu’ils n’y résident pas, ne seraient-ils donc plus pour ces statisticiens cyniques que les faire-valoir d’une immigration encouragée sous leur couvert ? Livrés aujourd’hui par leur propre gouvernement à la « concurrence libre et non faussée » d’un système global qui organise à dessein le libre-échange des populations sur le modèle qui prévaut pour les biens de consommation, nos concitoyens du bout du monde ne pourraient-ils légitimement s’interroger sur ce qui leur vaut d’être relayés ainsi à l’étiage de la marchandise, si ce n’est aux fins de quelque remplacement inavoué ?

Éric Miné